OP CROCODILE vient en aide aux enfants dans le besoin en République démocratique du Congo.

OP CROCODILE vient en aide aux enfants dans le besoin en République démocratique du Congo.

Écoutez l'histoire de première main de la force opérationnelle de l'opération CROCODILE déployée en République démocratique du Congo. Lisez leur histoire ici.

Cela fait maintenant près de quatre mois que je suis arrivé en tour au sein de la mission. Avant même mon arrivée, on m’avait avisé que les militaires canadiens à Goma s’occupaient d’un orphelinat – le World Orphan Kids (WOK). Malgré le fait que je ne connaissais pas encore les détails de cette tâche, je trouvais qu’il s’agissait d’une très bonne idée de s’occuper de jeunes enfants dans le besoin. Aider les gens est typiquement canadien : partout où j’ai voyagé dans le monde, tant dans mes missions opérationnelles que lors de mes voyages personnels, j’ai toujours reçu de bons commentaires face au fait d’être « Canadien ». De plus, étant moi-même père d’une petite fille, il m’est impossible d’être insensible à la misère des enfants.  

L’orphelinat, qui abrite habituellement environ 140 jeunes, a vu une augmentation significative de son nombre d’enfants à charge dans les derniers temps. En fait, depuis le 20 octobre 2022, compte tenu de l’avance du M23, un groupe armé qui tient en respect les Forces armées de la République du Congo, un flot important de personnes déplacées à Goma a apporté son lot de gens dans le besoin dans la région. Dans l’est de la RDC, il faut se rappeler que la guerre fait partie de la normalité depuis plus de 25 ans. À cette situation se sont ajoutées deux éruptions volcaniques touchant directement Goma, augmentant ainsi le nombre d’enfants abandonnés. Bref, en ce dimanche ensoleillé, nous arrivions au bon moment pour « faire le plein » des réserves de nourriture de l’orphelinat.  
 
Depuis 2013, les membres des Forces armées canadiennes qui participent à MONUSCO soutiennent cet orphelinat, notamment en pourvoyant des denrées alimentaires et en synchronisant des projets d’infrastructure avec l’ambassade canadienne. Malgré que ce soit une tâche secondaire, c’est toujours très agréable de planifier et d’exécuter ce genre d’aide humanitaire en soutien à des gens qui sont vraiment dans le besoin. Depuis quelques années, les fonds nécessaires à l’achat des vivres proviennent du « Boomer’s Fund », une organisation à but charitable en souvenir du Caporal Andrew (Boomer) Eykelenboom, décédé au combat en Afghanistan, dont le but est de fournir de l’aide humanitaire dans les communautés ou les militaires canadiens déployés servent. D’ailleurs, je fus agréablement surpris par la rapidité avec laquelle les fonds me furent alloués suite à une demande que j’ai faite en début septembre.

Située à près de 30 minutes du cœur de Goma, l’orphelinat est situé au milieu d’un petit village constitué de maisons fabriquées par les « moyens du bord ». Tout y est très rudimentaire : maisons construites à l’aide de ce qui est à portée de la main : roche, terre, ciment, vieux morceaux de tôle amassés au cours des années, et un peu de branches d’arbre pour soutenir le tout. Le chemin pour s’y rendre (qui n’est pas asphalté) est composé de roches volcaniques qui réduisent significativement la vitesse de notre petit convoi apportant des denrées alimentaires. En route, nous attirons assurément l’intérêt des petits enfants qui courent autour des véhicules et qui crient « money, money ». Ils tendent tous les mains pour solliciter un petit quelque chose de ces « mosungoo », ces « personnes à la peau blanche » qui viennent dans leur village. Dès qu’on les salut en français, ils disent tous : « donnez-moi un biscuit »…
 
Le convoi pour aller ravitailler l’orphelinat nécessite une certaine préparation. Premièrement, j’ai dû communiquer à plusieurs reprises avec l’administrateur de l’endroit. Ce dernier, qui se nomme Philippe, est un père de famille dans la quarantaine qui a comme travail de s’occuper de l’orphelinat. Il recrute des bénévoles, gère les installations, et tient bien à cœur le confort et la santé des enfants. Comme toute personne qui se doute s’il va avoir quelque chose à manger sur une base quotidienne, il veut vraiment s’assurer que je vais respecter mon engagement. Par conséquent, il m’appelle une dizaine de fois pendant la semaine qui précède. Je ne peux pas lui en vouloir : il tient uniquement à confirmer et à reconfirmer encore que les « papas canadiens » viendront vraiment livrer les vivres nécessaires à l’orphelinat.
 
Pendant ce temps, le Cplc Niyonizigiye a préparé l’administration nécessaire et il a été faire les commissions dans les marchés environnants. Utilisant le « Boomer’s Fund », le cplc Niyonizigiye a été acheter les denrées et accessoires nécessaires pour que l’orphelinat puisse subvenir aux besoins de ses enfants pendant une période de deux mois. Suprenamment, le charcoal est probablement l’achat le plus important : compte tenu qu’il n’y a ni électricité ni accès à une source de pouvoir alternative, la seule façon de faire la cuisson est par l’entremise du charcoal qui est amassé sur un tas de pierres sur lequel les chaudrons et poêles sont déposés. Au menu : farine, riz, haricots, huile de cuisson, semoule, biscuits... les besoins de base, disons. Tout cela pour dire que, au Jour J (un beau dimanche matin), les trois membres de la FO CROCODILE étaient prêts pour leur tâche de ravitaillement de l’orphelinat.

En route, nous décidons de nous arrêter à ce qui s’apparente être un dépanneur. J’y achète des petits beignets faits maison, ainsi qu’une soixantaine de bananes. Depuis que je suis arrivé ici, c’est la troisième fois que je vais à l’orphelinat. A chaque fois que j’y vais, j’apporte un petit quelque chose (que je paye de ma poche) à manger pour les enfants, afin qu’ils puissent instantanément se mettre quelque chose sous la dent. Un peu plus loin sur le chemin, mon camarade, le Major Arseneault, décide pour sa part d’acheter des biscuits… beaucoup de biscuits. Cela attire une grande quantité d’enfants du village environnant. Malheureusement, les « mosungoo » ne viennent que très rarement dans cette partie de la ville, ce qui par conséquent attire bien la curiosité de la population locale. Les enfants se mettent en demi-lune autour de mon camarade, espérant lui soutirer un petit quelque chose…
 
Notre arrivée à l’orphelinat se faisant bien attendre compte tenu de la visite des « papas canadiens ». Nous n’avons à peine le temps de descendre des véhicules que nous sommes carrément entourés d’enfants de tous âges. Ils tous ont quelque chose en commun : ils tendent la main pour avoir de l’argent, des crayons…. et des biscuits, encore des biscuits ! Sur place, les quelques employés/bénévoles nous attendent souriants. Nous prenons le temps de saluer les enfants qui accourent de partout, qui nous encerclent et qui prennent un plaisir certain à nous toucher, nous les étrangers… ! Ils savent très bien que nous arrivons avec un petit quelque chose à manger… C’est à ce moment je m’interroge, car je trouve qu’il y a beaucoup plus d’enfants que d’habitude. En plus de l’augmentation récente du nombre d’enfants à charge, il s’avère que notre venue a attiré pratiquement tous les enfants du village. Je me doute que je vais manquer de beignets et de bananes. Je demande donc à une des « mamans sociales » de préparer des petites portions individuelles pour les enfants. Le major Arseneault offre immédiatement son aide pour préparer/couper des petits morceaux de nourriture.
 
Pendant ce temps, les enfants grouillent de partout. Suite l’appel des « mamans sociales », les jeunes se ruent vers les deux salles de classe, et s’assoient tous derrière leur pupitre. Ils y attendent le petit déjeuner en chantant « Vive le Canada », une chanson que les bénévoles adultes ont composé pour souligner la contribution de notre pays à leur orphelinat. Les enfants attendent, les uns entassés sur les autres, et ils font du bruit, beaucoup de bruit. Je chante avec eux, je les anime un peu comme le ferait un clown : cela me permet de décrocher un peu. À ce moment, je réalise qu’il y a la guerre partout dans ce pays, et que celle-ci s’approche dangereusement de la ville de Goma. J’essaie de cacher l’arme que je porte accrochée à la taille, mais les enfants ne s’en soucient que très peu. Ici, dans les rues, policiers et militaires occupent presque chaque coin de rue, et ils sont tous plus armés les uns que les autres… Bref, c’est la réalité de l’est de la RDC.
 
Il vient ensuite le moment tant attendu : servir le petit-déjeuner. Les « mamans sociales » commencent à distribuer les portions dans les deux salles de classe. Elles font du mieux qu’elles peuvent pour distribuer équitablement les quelques assiettes de beignets et de morceaux de bananes préparées. Bien entendu, l’hygiène de tout cette entreprise est minimale : elle est limitée à une cruche d’eau à l’entrée de la classe, servant aux enfants pour qu’ils se lavent les mains… sans savon. Silencieux, je regarde ces enfants qui mangent les beignets et cela me fait penser à quel point un beignet peut être important dans la vie d’un enfant. Je retourne un peu dans mon enfance et en effet, je me souviens à quel point les beignets de ma grand-mère occupaient une place clé lors des visites chez les grands-parents. Nous en profitons pour prendre quelques photos. Ça fait chaud au cœur de voir ces enfants heureux.

L’arrivée des dernières assiettes attirent ensuite son lot de complications. Les enfants, incontrôlables, quittent leur siège et se ruent vers le Major Arseneault et le Cplc Niyonizigiye pour avoir les dernières parts de nourriture. Incapables d’entrer dans la salle de classe, les deux « papas canadiens » sont pris à l’extérieur, sur le pied de la porte, et tentent désespérément de contrôler les jeunes enfants. C’est tout un spectacle à regarder : les jeunes s’empilent les uns sur les autres en tendant les mains. Il est impossible de savoir qui a eu sa portion, et qui ne l’a pas eu. J’aperçois le Major Arseneault qui, soucieux de bien repartir la distribution des derniers beignets, s’accroupi pour nourrir une petite fille. C’est un beau moment à regarder… Le Major Arseneault en est à sa première visite à l’orphelinat. Sur le chemin du retour, un peu plus tard, ce dernier m’avouera qu’il va toujours se souvenir des sourires des enfants… et de l’harmonie que cela lui a apportée de visiter l’orphelinat.
 
Pendant ce temps, je suis debout au sein des enfants, et je contemple le moment. À mes côtés se tient un petit garçon qui transporte sur son dos un enfant qui doit être sa petite sœur. Celle-ci n’a pas plus d’un an, et elle mange son bout de banane, petit par petit. Cela me fait penser à ma petite fille qui vient tout juste d’avoir 11 mois. Je prends quelques photos des enfants adossés au drapeau canadien. Dans le souci de donner de l’importance aux jeunes filles, je leur demande aussi de poser devant notre drapeau. En regardant les photos plus tard, je m’aperçois qu’un des enfants porte des souliers si troués que l’on voit ses orteils dépasser à l’avant. Nous n’avons pas toute la même chance dans la vie.
 
 
Enfin, durant la dernière partie de la visite, le Major Arseneault et moi jouons avec les enfants dans la cour intérieure de l’orphelinat. Les jeux sont très rudimentaires et consistent plutôt à chanter, à « clapper des mains » et qui bien entendu offre la possibilité aux enfants de toucher les « mosungoo » et à prendre des photos avec eux. Bizarrement, les enfants sont très intéressés lorsque le Maj Arseneault prend un « selfie » avec eux. Ces derniers s’empilent pratiquement les uns sur les autres pour apparaitre dans la photo… une photo qu’ils et elles ne verront probablement jamais. C’est touchant. Pendant ce temps, le Cplc Niyonizigiye termine l’administration nécessaire avec monsieur Philippe. Les bénévoles, dont certains ont des noms très particuliers tels que « Prince », « Trésor », « Généreuse », font la file et reçoivent un à un leur salaire bimestriel qui assure l’éducation de cette jeunesse. Merci au « Boomer’s fund » pour soutenir ces enfants dans leur quête d’espoir… et merci pour nous permettre, à nous les « papas canadiens », de vivre cette expérience des plus enrichissantes.
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